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5 -"en
Lorraine", le "Saillant de Saint-Mihiel (Regniéville,
le bois de Mort-Mare)
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La
bataille de la Marne (1914) s'achève pour les Allemands par une retraite
qui s'étend vers la région de Verdun-Saint-Mihiel. La défense mobile de
Verdun poursuit l'ennemi, passe la Meuse et prend position à l'Est de la
ville tandis que l'armée du général Sarrail progresse au nord et à
l'ouest.
Dans l'espoir de
contourner Verdun par le sud, les Allemands attaquent le 20 septembre 1914
devant les Hauts de Meuse, avançant jusqu'à la ligne allant de Combres
à Thiaucourt, bombardant les forts.
Le 23, l'ennemi qui a réussi à prendre pied dans la région de
Vigneulles entre dans Saint-Mihiel puis franchit la Meuse. Les Allemands
remontent alors vers la vallée de l'Aire en direction de Verdun,
menaçant la cité épiscopale. L'intervention du 16ème corps les oblige
à un repli dans les faubourgs de Saint-Mihiel mais ne peut les
contraindre à repasser sur la rive droite de la Meuse.
Le 29 septembre la ligne passe par Combres, Chauvoncourt, Apremont et
Seicheprey. La hernie est désormais formée.
Dès lors, les
Français essaient de chasser l'ennemi de la tête de pont qu'il occupe à
Chauvoncourt, en face de Saint-Mihiel.
Une offensive sur le point de réussir est annihilé par une
contre-attaque allemande ( 17 - 20 novembre 1914 ). Il n'y aura pas
d'autre tentative à la pointe du Saillant, seuls auront lieu d'âpres
combats locaux, comme dans la forêt d'Apremont, où les Français
essaieront d'empêcher les Allemands d'étendre la poche qu'ils ont
creusée. Des attaques se déclenche aux extrémités, nord et sud, du
Saillant, aux Eparges et au bois le Prêtre, avec pour objectif d'obliger
les troupes allemandes à évacuer cette hernie.
Peu à peu la ligne de
front se stabilise, pilonnée par l'artillerie.
Les attaques
sont alors dirigées sur un bois, une maison, mais il faut attendre
septembre 1918 et une offensive menée par les Américains pour que
disparaisse cette entaille dans les lignes françaises.
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 | - "en
Lorraine" vu
au travers de "l'Historique du 78ème Régiment d'Infanterie" |
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"Le printemps
1915 est marqué par les premières tentatives de grande offensive. Le
12ème corps, demandé par son ancien chef, le général Roques,
commandant la 1ère armée, est envoyé en Lorraine pour y participer. Le
78ème est vers
Regnéville en Haye.
Le 3 avril
1915 au soir, le bataillon Bedin s'empare des tranchées de la cote
323. Il est fait peu de prisonniers, mais il y a beaucoup de cadavres dans
la position, tandis que nos pertes sont légères.
Le 4 avril
1915, au petit jour, le village de Regnéville-en-Haye est enlevé
dans les mêmes conditions par le bataillon Boussavit, suivi du bataillon
Teilhac. Les unités se retranchent en avant des points conquis.
le matin du
8 avril 1915, le 78ème est relevé après avoir fourni ses attaques
et son travail d'organisation sous une pluie et un bombardement
ininterrompus. Le régiment est mis alors à la disposition du 31ème
corps d'armée, qui tient le secteur devant le bois de Mortmare.
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Le 13 avril
1915, le 78ème attaque les tranchées allemandes au nord de
Flirey avec ses bataillons accolés; une très courte et violente
préparation d'artillerie et, au signal des commandants de bataillon
Boussavit et Theilhac, les capitaines entraînent magnifiquement leurs
compagnies: à droite, c'est Jouanny, dont on admire la
valeureuse attitude, soutenu par Ménard; à gauche, précédant Faucher,
c'est Tenant de la Tour, le cuirassier, frappé à mort en plein
assaut!...
Deux lignes de tranchées sont enlevées, fouillées, nettoyées.
Douze contre-attaques n'en délogeront plus ces braves, dont la conduite
est admirable.
Les jours qui suivent sont durs; l'ennemi se venge de sa défaite et de
l'échec sanglant de ses efforts pour reprendre le terrain perdu en
couvrant le secteur de projectiles dans un bombardement incessant. Flirey
donne la mesure du 78ème."
12 avril
1915, ordre n° 44 du régiment: " 1ère et 3ème sections de la
5ème compagnie du 78ème ( sous-lieutenant Croizille et adjudant
Giraud) - Ont traversé avec bravoure, le 5 avril 1915, sous un feu
violent de l'infanterie et de l'artillerie ennemies, un terrain
découvert pour aller prendre un dispositif préparatoire à
l'attaque." signé Lieutenant-colonel Delouche.
15 avril
1915, ordre n° 10, de la 45ème brigade: "Le 78ème vient de
remporter un brillant succès, il a accompli pleinement la mission
délicate qui lui avait été confiée.
Sorti des tranchées de départ avec un ordre parfait, il a parcouru,
avec un entrain qui a fait l"admiration de ceux qui assistaient à
ce drame, la zone qui le séparait de l'ennemi; il s'est emparé de
retranchements très solidement organisés, et il a poussé jusqu'à la
deuxième ligne qu'il a enlevée, qu'il a retournée contre l'ennemi et
qu'il a su conserver malgré de violentes contre-attaques préparées et
soutenues par un feu formidable d'artillerie de tous calibres.
Le 78ème a fait preuve, encore en cette circonstance, d'un courage,
d'un sang-froid, d'une énergie, d'une ténacité et d'un moral dont
tous doivent être fiers.
Le général de brigade, dont le cœur a battu violemment pendant ces
longues heures de lutte, adresse aux officiers, sous-officiers, caporaux
et soldats du brave 78ème ses plus affectueuses félicitations. Tous,
depuis le colonel jusqu'au dernier soldat, ont bien mérité de la
patrie." signé Général Proye.
20 avril
1915, ordre n° 127, de la 23ème division: " Le général
commandant la 23ème division est heureux d'adresser ses chaudes
félicitations au 78ème régiment d'infanterie, pour son beau succès
au bois de Mortmare, où, les 12 et 13 avril 1915, il s'emparait de 400 mètres
de tranchées et les conservait glorieusement, malgré de constantes
contre-attaques dont l'effort allait en diminuant toujours devant
l'énergie des défenseurs.
Le butin de ces deux journées était: 2 canons de 37, 2 lance-bombes,
près de 500 fusils, 1 mitrailleuse allemande, 2 mitrailleuses
françaises reprises, une quantité de grenades, vivres et vêtements.
Ce brillant succès, qui honore le régiment, doit être un
encouragement et une cause d'émulation pour tous." signé
Général Arlabosse.
15 juin
1915, ordre n°15 de la 45ème brigade: " 1ère compagnie du 78ème
( capitaine Ménard), 4ème compagnie du 78ème ( capitaine Jouanny),
11ème compagnie du 78ème ( capitaine Tenant de la Tour), 12ème
compagnie du 78ème ( lieutenant Faucher) - Se sont portées, le 13
avril 1915, dans un élan admirable, à l'assaut de deux lignes de
tranchées ennemies qu'elles ont enlevées et dont elles ont maintenu
l'occupation, malgré les plus violentes contre-attaques de
l'ennemi." signé Lieutenant-colonel Delouche.
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 | - "en
Lorraine" dans "le journal de marches et
opérations" du 78ème régiment d'infanterie. |
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Le
30 mars, le régiment s'embarque à Vitry-la-Ville en trois
éléments:
Élément 27 - 1er bataillon et 1:2
C.M:
30 mars à 11h,
Élément 32 - État-major, CHR, 2ème bataillon: 30 mars à
14h,
Élément 42 - 3ème bataillon et 1/2
C.M:
30 mars à 20h.
Les troupes arrivent
à la gare d'embarquement 3 heures avant l'heure de départ.
La distribution des
vivres de chemin de fer et de débarquement ont lieu à la gare avant le
départ.
Les embarquements sont
effectués sans incidents.
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Le
31 mars, les trois éléments du régiment débarquent à la gare de Toul.
L'état-major,
la CHR, les 1er et 2ème bataillons sont dirigés sur Gondreville,
le 3ème bataillon est dirigé sur Villey-St-Etienne.
Dans
l'après-midi, le régiment doit aller cantonner dans la région Griscourt,
Villers-en-Haye, Rogéville.
Le 1er
bataillon est mis en route à 12h,
- le 2ème bataillon et la CHR à 12h13,
- le 3ème bataillon à 15 heures.
Itinéraire: Villey-St-Etienne,
Chemin de Villey à Avrainville, route de Toul à Dieulouard.
Cantonnements
occupés:
1er bataillon : Griscourt,
État-major, CHR, 2ème bataillon: Rogeville,
C.M, 3ème bataillon: Villers-en-Haye. |
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Les troupes ont exécuté une marche d'environ 28 kilomètres avec un
chargement très lourd.
Le 1 avril,
mêmes cantonnements que la veille.
Le 78ème
reçoit de la brigade l'ordre de se porter dans la matinée du 2 avril à Martincourt-St-Jean.
Le 2 avril,
en exécution de l'ordre donné, les bataillons se sont portés
isolément dans leurs nouveaux cantonnements où ils sont arrivée
avant 11h.
E.M.,
CHR, CM, 1er et 2ème bataillons: Martincourt,
3ème bataillon : St-Jean.
à 13h, le lieutenant
colonel, les chefs des 1er et 2ème bataillons et 4 capitaines se rendent
à Mamey où ils sont mandés par le général de brigade pour
faire une reconnaissance des positions ennemies.
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Le
3 avril, le régiment est mis en marche; le 2ème bataillon à 14h, le
1er bataillon à 14h30, le 3ème bataillon suit.
Avant le départ, les hommes ont reçu les vivres de jour préparés et
deux jours de vivre de réserve.
Chaque bataillon a touché des grenades, des fusées, des outils de parc,
des sacs à terre. L'approvisionnement en cartouches de chaque homme a
été porté à 200.
Les T.R. et T.C. restent à Martincourt.
A 17h, le colonel est
installé à son poste de commandement à la cote 330. Le poste de secours
du régiment s'organise sur la route de Bar-le-Duc à Metz
au pont de l'Ache.
Le 2ème bataillon qui
doit prononcer l'attaque de la cote 323 arrive à 19h, avec un léger
retard à son point de rassemblement. Ce retard est occasionné par le
croisement avec un régiment voisin.
A 19h30, le 2ème
bataillon dépasse les tranchées de 1ère ligne et se porte à l'attaque
des tranchées ennemies de la croupe 323 qu'il enlève après avoir
essuyé quelques rafales d'artillerie et une fusillade des occupants.
Il y a environ 40 cadavres dans les tranchées dont un officier qui a
été tue par le capitaine Mayaud. Il est fait 6 prisonniers, on prend un
poste téléphonique.
L'organisation de la
position se poursuit toute la nuit.
État de pertes: 3
tués, 18 blessés.
Le 4 avril, les
1er et 3 bataillons n'ont pas pu prononcer l'attaque à l'heure fixée.
Ils se sont égarés par la faute du guide qui leur avait été donné.
A 3h le 1er bataillon
s'empare du village de Regnieville. Il éprouve peu de pertes et
fait quelques prisonniers.
Soutenu par 3
compagnies du 3ème bataillon et une compagnie du Génie, il progresse au
delà du village et en commence l'organisation défensive.
Dans la nuit du 4 au
5, le bataillon qui occupe Regniéville consolide sa position.
De la cote 330, on commence des boyaux dans la direction de la cote 323.
La situation du
régiment est la suivante:
le 1er
bataillon et 3 compagnies du 3ème bataillon occupent Regniéville,
le
2ème bataillon est installé sur la croupe 323,
la
9ème compagnie est en réserve dans le ravin 290-303 (au sud de la cote
330).
Le temps est
déplorable, le terrain très accidenté et les communications très difficiles.
Les liaisons sont
assurées à gauche avec le 29ème d'infanterie et à droite avec le
63ème.
État des pertes: 5
tués, 14 blessés.
Le 5 avril,
dans la nuit, le régiment reçoit l'ordre par le général commandant le
corps d'armée de participer à une attaque dans la matinée: le 78ème,
tout en assurant à tout prix la possession de Regnieville
s'efforcera de mettre à profit la progression du 63ème pour s'élancer
à son tour sur les tranchées allemandes du saillant à 300m nord de Regnieville
et s'emparer ensuite des tranchées parallèles à la route de Thiaucourt.
L'artillerie de campagne et l'artillerie lourde doivent ouvrir quatre brèches
devant le groupe des ouvrages allemands qui se trouvent au nord de Regnieville.
L'attaque doit se déclencher à 10h.
Pour cette attaque, le
dispositif sera:
un détachement composé de deux compagnies du 2ème bataillon, de la
9ème compagnie et de la 2ème section de mitrailleuses sous les ordres du
commandant Bedin se portera à l'attaque du saillant indiqué,
ce détachement sera soutenu au besoin par 2 compagnie du 3ème bataillon
prises dans le détachement qui occupe Regnieville.
le commandant du 1er bataillon et 2 sections de mitrailleuses assureront
la défense de Regnieville avec 5 compagnies (quatre du 1er
bataillon et 1 du 3ème bataillon),
le capitaine Chabauty assurera l'occupation de la cote 323-3 avec 2
compagnies du 2ème bataillon et une section de mitrailleuse.
A 10h, les brèches
n'existent pas dans les fils de fer, la gauche du 63ème ne peut pas
prononcer son attaque, dans ces conditions l'attaque du détachement du
78è subordonnée à celle du 63ème est ajournée.
Pendant toute la
journée, le village de Regnieville et le ravin qui se trouve au
nord-est, sont battus par l'artillerie ennemie. Le tir semble effectué
par des batteries situées à l'ouest; il est dirigé dans le sens
Ouest-Est et prend en enfilade le ravin et toutes les troupes qui s'y
trouvent ou qui se porteront à l'assaut des tranchées ennemies.
Les bataillons du régiment qui occupent le village et le ravin souffrent
beaucoup du feu de cette artillerie.
Les communications
sont extrêmement difficiles entre le P.C. du lieutenant colonel et les
bataillons; les agents de liaison sont blessés ou tués, les fils
téléphoniques sont coupés par la canonnade ininterrompue de l'ennemi.
Les hommes sont très
fatigués par deux nuits à peu près sans sommeil passées sous la pluie
et dans des tranchées complètement découvertes.
A 17h10, il est donné
un nouvel ordre d'attaque pour 18h30 avec les mêmes dispositions pour le
bataillon chargé de l'attaque. Il sera soutenu par une compagnie du 1er
bataillon.
Le commandant du bataillon fera construire immédiatement une tranchée
allant de la sortie nord-ouest de Regnieville vers le saillant de
façon à relier immédiatement ce saillant, lorsqu'il sera conquis, avec
le village.
A 18h30, les brèches
ne sont pas faites dans les fils de fer. L'attaque ne peut pas avoir lieu,
elle est remise à 20h.
Le groupement du
commandant Bedin se portera à l'attaque du saillant. Il sera suivi du 1er
bataillon avec une section de mitrailleuses sous les ordres du commandant
Boussavit.
Le détachement Chabauty continuera à tenir la croupe 323.
A 22h, pour les mêmes
raisons que précédemment (brèches insuffisantes, immobilité du
régiment de droite) l'attaque ne peut pas se déclencher.
Le tir de l'artillerie
est fichant sur les positions ennemies et par conséquent n'a que très
peu d'action sur les fils de fer qui, après les tirs les plus violents
restent intacts.
État des pertes: 13
tués, 78 blessés, 1 disparu.
Le 6 avril, à
2h15, ordre est reçu de préparer de nouveau une attaque du saillant au
nord de Regnieville. L'attaque devra se faire à 7h.
Le 1er bataillon (Boussavit)
avec une section de mitrailleuses se portera résolument à l'attaque du
saillant au nord de Regnieville de façon de à dégager le
107ème de toute préocupation sur sa gauche pour sa progression
ultérieure.
Le 1ert bataillon sera suivi lui-même par deux compagnies du 2ème
bataillon avec une section de mitrailleuses sous les ordres du commandant
Bedin.
La défense du village sera assurée par le 3ème bataillon et une section
de mitrailleuses.
Le détachement du capitaine Chabauty (deux compagnie et une section de
mitrailleuses) continuera à tenir la cote 323.
La préparation par l'artillerie commence à 6h.
A 7h, les troupes
d'attaque sont formées au nord et à l'Est de Regnieville prêtes
à s'élancer en avant. Les brèches faites dans les réseaux de fils de
fer, face au saillant, sont insuffisantes.
A notre droite, le 107 n'est pas sorti de ses tranchées, probablement en
raison du manque de brèches.
L'artillerie ennemie tient le village et le ravin de Regnieville
sous un feu violent. Le tir, dirigé de l'Est à l'ouest, prend nos
troupes en enfilade. Un assaut dans ces conditions serait voué à un
échec certain.
A 8h, situation
inchangée, l'attaque ne peut ce faire.
A 15h10, réception
d'un ordre prescrivant une nouvelle attaque pour 16h. Le dispositif
d'attaque du matin n'est pas modifié par le lieutenant colonel commandant
le régiment.
A 16h, une
notification téléphonique prescrit de reporter l'attaque à 17h.
A 17h, ordre est
donné d'ajourner l'attaque.
L'organisation du
ravitaillement:
a) les vivres sont préparés à Martincourt
et portés pendant la nuit sur la route de Bar-le-Duc à Metz,
à hauteur des Carrières (Est du pont de l'Ache). Les hommes, au
prix de grandes fatigues, viennent y chercher leurs vivres. Le manque de
récipients (les sacs ont été laissés à Martincourt) se fait
vivement sentir.
b) les munitions - une partie du T.C. a été poussé également
jusqu'à la route de Metz afin d'assurer le ravitaillement en
munitions.
État des pertes: 1
tué, 48 blessés, 3 disparus.
Le 7 avril, un
ordre donné préparatoire donné le 6 à 19h30 annonce que l'attaque
prévue le 6 au soir est remise au 7 au matin. On devra profiter de la
nuit pour s'organiser.
A 24h, l'ordre parvenu au corps, prescrit qu'une nouvelle attaque est
prévue le 7 à 10h dans les mêmes conditions que la veille.
La préparation d'artillerie commencera à 5h.
La situation du
78è:
Depuis 4 jours, le 78è n'a cessé de fournir sans répit des efforts
considérables dans les conditions les plus déplorables. Il a enlevé le
village de Regniéville et la position de la cote 323.
Il a organisé définitivement sa position. Il a créé des abris
d'ailleurs insuffisants contre les intempéries et contre les coups: les
travaux étaient rendus difficiles par la nature rocailleuse du sol et la
pluie ininterrompue.
L'ennemi n'a pas
cessé de canonner avec intensité en prenant en enfilade le ravin de Regniéville.
En exécution des
ordres reçus, une partie du régiment a été tenue constamment prête à
se porter à l'assaut.
Le ravitaillement est
difficile en raison de la difficulté des communications par des nuits
très noires. Les vivres sont détrempés par la pluie et les récipients
manquent pour les transporter.
Les pertes subies sont
très sérieuses. Malgré cet état de fatigue indéniable, le moral est
excellent.
A 10h, les troupes,
disposées comme pour les attaques précédentes étaient prêtes à se
lancer à l'assaut à partir de 9h30. En raison d'une préparation
d'artillerie insuffisante, l'attaque ne peut avoir lieu. Une nouvelle
attaque est prescrite pour 16h 45.
A 17h, malgré une
nouvelle préparation d'artillerie, l'attaque pour 17h ne peut se déclencher.
Des ordres sont
donnés par le colonel pour que l'on profite de la nuit pour progresser en
avant et à droite du village.
Le régiment est
placé dans une situation délicate, il ne peut pas prononcer une attaque
contre un saillant particulièrement bien organisé sans que le régiment
voisin ne se porte lui-même à l'attaque. Tous les bataillons de gauche
des régiments qui ont occupé successivement la position à notre droite,
n'ayant pas devant eux de brèches suffisantes ne se sont jamais portés
en avant. Dans ces conditions une attaque isolée du régiment était
vouée à un échec certain.
Du 3 au 8 inclus, le
régiment a fourni un effort considérable, non seulement pour occuper Regniéville
et la Cote 323, mais surtout pour s'y maintenir par une canonnade
ininterrompue.
Le temps est déplorable; les troupes tenues en alerte en vue d'attaques
répétées ont subi une tension considérable.
Les pertes ont été sérieuses: 2 officiers et 220 soldats.
A 20h, le régiment
reçoit l'ordre de relève.
Les officiers
suivants sont affectés au régiment:
Tenant
de la Tour, capitaine, venu du 8ème Cuirassiers,
Verdier, capitaine, venu du 20ème Dragons,
Durieux,
sous-lieutenant, venu du 12ème Chasseurs à Cheval.
De
Gaulejac, sous-lieutenant, venu du 19ème Dragons.
État des
pertes: 1 tué, 10 blessés, 1 disparu.
Effectif ce
jour: 59 officiers, 3084 troupe, 234 chevaux.
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*6 |
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Le
8 avril, les trois bataillons devront se trouver au sud de la route de
Pont-à-Mousson à Commercy avant 3h30.
Le 3ème
bataillon se rendra à St-Jean pour y prendre ses sacs puis, de là
se rendra directement à Gézoncourt.
Les 1er et 2ème, la C.M et l'E.M. du régiment iront cantonner à Martincourt,
ils se rendront dans la journée à Gézoncourt où tout le
régiment sera réuni.
A 15h30, la
relève a été exécutée dans les conditions prévues et tout le
régiment est installé à Gézoncourt.
Six compagnies
du régiment sont cantonnés dans les baraquements construits à l'Est du
village.
État des
pertes: 3 blessés, 1 disparu.
Les 9, 10
avril, même cantonnement.
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Le
11 avril, dans la nuit, à 2h, la 45ème brigade d'infanterie est
rattachée au 31ème C.A et passe sous les ordres du général commandant
la 76ème D.I..
Le 78ème doit
se diriger sur Bernécourt (état major et 3ème bataillon), Ansauville
(1er bataillon), Hamonville (2ème bataillon). Un itinéraire est
donné pour éviter le passage des crêtes entre Noirant et Bernècourt
qui sont vues par l'ennemi.
Le mouvement
des bataillons commence à 5h : dans l'ordre 1 - 2 - 3 - C.M - C.H.R - les
T.C. suivent mais les T.R. restent à Gézoncourt pour assurer le
transport d'un matériel considérable, effets, 2000 paires de brodequins
etc..., qui sont arrivés la veille. Ils rejoindront dans la journée.
La marche
s'effectue très lentement, en raison de l'état des routes qui sont
complètement défoncés, par l'itinéraire Manonville, Minorville.
Les bataillons
arrivent dans leur nouveau cantonnement vers 12 heures.
Les abords de Bernécourt
et de Ansauville sont battus par l'artillerie ennemie qui envoie
quelques obus sur la colonne.
Le 1er bataillon éprouve de ce fait quelques pertes: 13 blessés.
Le 12 avril,
même cantonnements que la veille.
Ordre est
donné au régiment de prendre ses positions en vue d'une attaque des
positions ennemies au Nord-Ouest de Flirey.
A 6h, les
positions ennemies sont reconnues par le lieutenant colonel, les chefs de
bataillon et les capitaines.
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Le
13 avril, en exécution de l'ordre du 31è C.A. le 78è doit se
porter le 13 avril à 13h à l'attaque des retranchements ennemis au nord
de Flirey
La position
qu'il s'agit d'occuper est située au sud du Bois de Mort-Mare, à
cheval sur la route de Flirey à Essey. L'objectif donné au
régiment comprend un front de 600m environ ( 200m à l'Est de la route d'Essey
et 400m à l'ouest).
Depuis le mois
d'octobre, cette position a été successivement attaquée par plusieurs
régiments. La dernière série d'attaque a permis au 157ème de
s'installer dans la tranchée ennemie sur un front de 200m environ à
l'ouest du point marquant la limite de la zone que le régiment doit
attaquer.
Une partie du
front que le régiment a pour objectif, qui avait été conquise par un
régiment du 31ème C.A. le 10 avril a dû être abandonnée par suite de
la violence des contre-attaques allemandes, une mitrailleuse française
est restée dans les tranchées ennemies.
Le glacis, d'une profondeur de 100 à 150 mètres qui s'étend entre nos
tranchées et les tranchées allemandes est jonché de cadavres français;
Beaucoup sont là depuis le mois d'octobre.
Dispositif
d'attaque:
Le 1er bataillon attaquera la partie de l'objectif située à l'Est de la
route d'Essey,
le 3ème bataillon immédiatement à l'ouest de la route d'Essey (y
compris cette route.), sur un front de 200m,
le 2ème bataillon, à gauche du 3ème, jusqu'au point occupé par le
157ème sur un front de 200m environ,
(sur le plan au 1/5000è l'ensemble du front s'étend de Y à B)
une section de mitrailleuse est mise à la disposition de chaque bataillon
chargé de l'attaque,
2 compagnies (8 et 10è) restent en réserve à Bernécourt.
Le 1er
bataillon, qui doit traverser des crêtes très battues est obligé de
partir à minuit afin d'être placé avant le jour dans les tranchées
d'où il doit s'élancer à l'assaut. Les autres bataillons partent à 4
heures.
A 11h, les
trois bataillons ont pris leurs dispositions préparatoire à l'attaque.
Les tâches sont distribuées, le moral des hommes est exellent et la vue
des nombreux cadavres sur les quels ils auront passer ne diminue pas leur
ardeur.
Le
lieutenant colonel a établi son P.C. à Flirey. es communications
téléphoniques sont établies d'une part avec les 3 bataillons du
régiment, de l'autre avec le général de brigade dont le P.C. est à la Carrière
(400m Sud-Ouest de Flirey)
Les
sections du Génie mises à la disposition du régiment ont un très
faible effectif.
A
13h, l'artillerie a fait une préparation très courte mais extrêmement
violente de l'attaque (de 12h50 à 13h)
Au
signal donné par les chefs de bataillon, les compagnies qui doivent
former la première vague s'élancent à l'assaut. Toutes les compagnies
entraînées par les officiers et sous-officiers se portent en avant dans
un ordre parfait.
Le
général de brigade, qui voit le mouvement de son observatoire en exprime
son admiration au lieutenant colonel commandant le régiment.
La
4ème compagnie du 1er bataillon entraînée par son capitaine ( Cpt
Jouanny) enlève la première tranchée puis pousse jusqu'à la deuxième;
elle en chasse l'ennemi et s'y installe.
La 1ère compagnie (capt Ménard) soutient énergiquement la 4ème
compagnie. Les deux capitaines se partagent le front occupé et commencent
rapidement l'organisation des tranchées conquises. La conduite héroïque
du capitaine Jouanny a puissamment contribué à décider du succès.
Au
centre, la 11ème compagnie du 3ème bataillon s'est portée en avant dans
un superbe élan, précédé par son capitaine (le capt de la Tour.) qui
tombe, frappé d'une balle. Le sous-lieutenant Léoquet qui prend le
commandement arrive dans la première tranchée ennemie. Il nettoie
rapidement cette tranchée de ses défenseurs vivants et se porte
résolument à la 2ème tranchée qu'il occupe.
Le lieutenant Faucher, avec la 12ème compagnie vient prendre la place de
la 11ème compagnie dans la première tranchée. Bien vites, ces deux
officiers font organiser les tranchées conquises.
A
gauche, la 6ème compagnie s'est portée en avant, mais soumise à un feu
violent de mousqueterie et de mitrailleuses, elle ne peut progresser que
très difficilement, subit des pertes sérieuses et ne peut atteindre les
tranchées ennemies.
a
13h30, les 1er et 3ème bataillons se sont installés dans les tranchées
ennemies et les sections de mitrailleuses sont mises en batterie.
L'organisation se poursuit, on fouille les abris (de véritables caves),
on y fait 17 prisonniers. On purge les boyaux de leurs défenseurs. Dans
cette lutte, la conduite de nombreux soldats est absolument admirable. On
en voit qui ramassent vivement des bombes ennemies et les lancent de
nouveau avant leur explosion.
Les
tranchées ennemies sont rem^lies de cadavres allemands.
Pendant
ce temps, on commence dans les deux sens les boyaux qui relient la
tranchée de départ avec la tranchée conquise.
Les
chefs de bataillon organisent le ravitaillement en munitions.
A
13h45, la 8ème compagnie, en réserve à Bernécourt, reçoit
l'ordre de se porter aux tranchées et de se mettre à la disposition de
son chef de bataillon.
Une
contre-attaque ennemie se produit sur la droite du 1er bataillon. Elle est
repoussée grâce à la collaboration rapide de notre artillerie.
A
15h, une contre-attaque est prononcée par l'ennemi sur la gauche de notre
position. Elle est également repoussée.
A
17h, la dernière compagnie de réserve, laissée à Bernécourt, a
été rappelée à la Carrière.
Cette compagnie, après avoir laissé une section à Flirey doit se
mettre à la disposition du commandant du 1er bataillon. La section,
laissée à Flirey, assurera pendant toute la nuit le
ravitaillement des 1er et 3ème bataillons en munitions, fils de fer,
fusées, etc. ...
Situation
du régiment à 17h:
le 3ème bataillon occupe les deux premières lignes de tranchées
ennemies à l'ouest de la route d'Essey entre W (carte au 1/5000)
et la route d'Essey incluse entre deux compagnies.
Le
1er bataillon tient avec deux compagnies les premières et deuxième
lignes de tranchées ennemies, à l'Est, sur un front d'environ 200
mètres.
A
gauche, l'attaque du 2ème bataillon à échoué.
Le
1er bataillon, à droite, est très vivement attaqué et violemment
canonné; il a déjà repoussé plusieurs attaques, mais a subi des pertes
sensibles. Une compagnie (la 10ème) a reçu l'ordre de renforcer ce
bataillon.
Le
3ème bataillon reçoit en renfort un peloton de la 8ème compagnie.
Contre
les attaques, le 2ème bataillon aura pour mission de couvrir le flanc
gauche du 3ème bataillon.
Situation
du régiment à 23h:
les 1er et 3ème bataillons occupent solidement la tranchée conquise. Ils
ont repoussé quatre contre-attaques.
La construction des boyaux qui devront relier les tranchées conquises à
nos tranchées de départ est poursuivie avec activité.
A
gauche, le 2ème bataillon tient nos tranchées avec le 163ème.
Le
3ème bataillon est soumis à un bombardement intense, ainsi que les
boyaux de communication; plusieurs maisons de Flirey sont en feu.
Les
pertes sont lourdes dans les trois bataillons:
tués: capitaine de la Tour; lieutenant Mazen;
sous-lieutenants Eycheicié, Danton, Pallot; adjudants Marceron, Poulalion;
aspirant Vergnaud.
Blessés: capitaine Verdier; sous-lieutenant Sans.
État
des pertes: 5 officiers tués, 2 blessés; Troupe 64 tués, 134 blessés,
12 disparus.
Le
14 avril, pendant toute la nuit, les bataillons qui occupent les
tranchées allemandes ont été soumis à douze contre-attaques. Ces
contre-attaques viennent de la direction Est, mais surtout de la plantation
Lavaud dans laquelle les Allemands s'infiltrent par le boyau qui longe
la route de Flirey.
Toutes ces contre-attaques, et tout particulièrement celle qui a été
prononcée vers 3h30, ont été repoussées très brillamment avec la
collaboration de l'artillerie dont l'attention est toujours en éveil et
qui n'a jamais manqué de répondre avec une promptitude digne d'éloges
aux appels qui étaient faits soit par téléphone, soit par signaux.
Situation
du régiment à 9h30:
les deux bataillons qui ont enlevé les tranchées ennemies occupent un
front total de 400m environ.
Une demi-compagnie du 1er bataillon est venue renforcer dans les
tranchées conquises celles qui y étaient déjà.
Les tranchées ennemies enlevées sont ainsi tenues par 4 compagnies 1/2
avec 2 sections de mitrailleuses.
Nos
anciennes tranchées dans le secteur des deux bataillons sont tenues par 3
compagnies 1/2.
A
gauche, le 2ème bataillon dont l'attaque n'a pas réussi tient nos
tranchées avec 3 compagnies 1/2 et une section de mitrailleuses, en
liaison à droite, avec le 3ème bataillon et à gauche avec le 163ème.
Une
demi-compagnie est en réserve à Flirey.
L'organisation
des tranchées conquises a été poursuivie toute la nuit. Les tranchées
ont été reliées par téléphone aux tranchées de départ.
Les
boyaux de communication sont en construction, mais la collaboration du
Génie n'a pas été aussi efficace qu'on aurait pu l'espérer.
Nous
avons pris 17 prisonniers, deux canons revolvers de 37m/m, deux
lance-bombes, de nombreux fusils, des munitions, des bombes et enfin une
mitrailleuse française perdue par un autre régiment dans une attaque
précédente.
Le
bombardement par l'artillerie ennemie est constant, souvent très violent,
sur les tranchées, les boyaux et le village de Flirey.
Le
moral est excellent mais la tension nerveuse est extrême. Aucun repos n'a
été pris depuis le 12 et la fatigue commence à se faire sentir
sérieusement.
A
16h, les contre-attaques ont continué pendant toute la journée. De 14h
à 16h30, les Allemands se sont livrés à un bombardement intense des
tranchées, des boyaux, de Flirey et de ses abords. Les tranchées
et boyaux ont énormément souffert, les pertes en hommes causées par
cette pluie de projectiles de tous calibres sont très sérieuses.
La contre-attaque ennemie qui s'est produite au moment de ce bombardement
a été repoussée. Les Allemands qui se sont présentés en colonne par 4
ont dû beaucoup souffrir du tir efficace de notre artillerie.
Le
régiment doit être relevé dans la nuit par dix compagnies du 157ème et
deux compagnies du 275ème. La relève est extrêmement pénible et dure
toute la nuit. La plupart des compagnies des 1er et 3ème bataillons
n'arrivent dans leur cantonnement qu'après le lever du jour.
Au
cours des opérations qui se sont déroulées les 13 et 14 avril, le
régiment et tout particulièrement les 1er et 3ème bataillons ont fourni
un effort considérable.
Les soldats du régiment ont fait preuve encore une fois d'un admirable
courage. Après s'être jetés à l'assaut dans un élan superbe qui les a
portés jusque dans les tranchées ennemies, ils ont fait preuve pendant
l'âpre lutte qui s'est déroulée dans ces tranchées d'un grand
sang-froid et d'une vigoureuse ténacité.
Les officiers et les sous-officiers ont été remarquables d'entrain et
d'énergie.
Ils ont payé comme d'habitude un large tribut aux pertes éprouvées.
Tous, officiers, sous-officiers et soldats ont contribué à ajouter une
page glorieuse à l'historique du régiment.
État
des pertes: 2 officiers blessés, 26 hommes tués, 100 blessés, 4
disparus.
Le
15 avril, le régiment occupe les cantonnements:
E.M., C.H.R, C.M, 3ème bataillon: Bernécourt.
1er bataillon: Ansauville,
2ème bataillon: Hamonville.
Un
détachement de renfort de 100 hommes arrive du dépôt.
Le
16 avril, mêmes cantonnements.
Le
17 avril, le régiment a reçu l'ordre de prendre le service dans les
tranchées:
3 compagnies du 1er bataillon à l'Est de la route Flirey-Essey, y
compris cette route.
3 compagnies du 3ème bataillon à gauche du 1er bataillon en liaison à
gauche avec le 163ème.
un détachement de 2 compagnies (1 du 1er bat et 1 du 3ème bat) sous les
ordres du capitaine Ménard prend le service à l'Est de la voie ferrée.
Le
lieutenant-colonel commandant le 78ème prend le commandement du secteur
qui comprend le sous-secteur de Flirey et le sous-secteur de Ritz.
La
relève commencée à 19h45 s'achève sans incidents.
Le
2ème bataillon est resté au repos à Hamonville.
Le
18 avril, à 14h, le 3ème bataillon du 78ème qui occupe la tranchée
ennemie à l'ouest de la route d'Essey a progressé de 40 mètres
vers la gauche dans la tranchée ennemie la plus rapprochée des
Allemands. De ce fait, le drapeau blanc a été déplacé de 40mètres
vers l'ouest sur cette ligne.
Le
63ème doit se porter le 19 à l'attaque de la tranchée allemande à
l'ouest de la position conquise par le 78ème le 13. Pendant toute la
soirée le régiment fait transporter aux tranchées le matériel
nécessaire à l'attaque (échelles, munitions, bombes, etc. etc.)
Pertes:
5 blessés.
Le
19 avril, le 63ème doit prononcer son attaque à 8 heures. Le 3ème
bataillon du 78è doit faciliter l'attaque en cherchant à^pénétrer dans
les tranchées attaquées.
A
9h, l'attaque du 63ème n'a pas réussi.
Le
régiment a reçu l'ordre d'effectuer le mouvement suivant:
les deux compagnies (Ménard) à l'Est de la voie
ferrée rentreront dans la nuit au cantonnement; elles seront remplacées
par deux compagnies du 63ème.
les 3 compagnies (1er bataillon) qui occupent la
tranchée de la Tour sont relevées par 3 compagnies du 2ème bataillon.
les 3 compagnies du 3ème bataillon de la
tranchée Chauzy restent en place.
2 sections de mitrailleuses restent dans le
secteur.
l'E.M. du régiment conserve le commandement des
avant-postes.
Pertes:
2 officiers blessés, 4 troupes tués, 24 blessés, 2 disparus.
Le
20 avril, les relèves de la nuit se sont effectuées sans incidents.
La
compagnie de gauche du 3ème bataillon a enlevé au cours de la nuit
dernière une longueur de tranchée de 40 mètres en première ligne et de
30 mètres en seconde ligne.
Pris une caisse de grenades allemandes.
A
10 heures, le 163ème a prononcé une attaque à 9 heures et s'est
emparée d'une partie de la tranchée attaquée la veille par le 63ème.
Le
bombardement très violent exécuté par les Allemands nous cause quelques
pertes.
Dans
la soirée, à 18h, les Allemands ont prononcé une contre-attaque sur
tout le front; elle a été repousséee.
Le
3ème bataillon (3 compagnies) doit être relevé pendant la nuit par le
63ème.
Pertes:
13 tués, 23 blessés.
Le
21 avril, relève sans incident.
Pertes
12 tués, 22 blessés.
Le
22 avril, 3 compagnies du 1er bataillon relèvent dans les tranchées
3 compagnies du 2ème bataillon. En permanence sont dans les tranchées 2
sections de mitrailleuses.
Pertes:
2 blessés.
Du
23 au 27 avril, relèves habituelles.
Pertes:
4 tués, 9 blessés.
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*6 |
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Le
28 avril, relèves habituelles.
Le
régiment va cantonner à Noviant-aux-Près (E.M., C.M.R.,
C.M., 1er et 2ème bataillons) et Manonville (3ème bataillon).
Le
29 avril, le lieutenant colonel prend le commandement des avant-postes
au poste des carrières de Flirey.
Relèves
habituelles.
Pertes:
3 tués, 10 blessés.
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Le
30 avril, la nuit s'est passée sans incident.
On continue les
travaux en avant des tranchées "Chanzy" (ouest de la route de Flirey
à Essey. On cherche à progresser dans la tranchée vers l'ouest.
Dans la tranchée "de la Tour" (Est de la route de Flirey
à Essey.) on s'efforce de progresser vers l'Est.
Pertes: 4 tués, 7
blessés.
Le 1 mai, le
3ème bataillon qui occupe les tranchées à l'ouest de la route de Flirey
à Essey construit une redoute en avant des tranchées allemandes.
Relèves habituelles.
Pertes: 5 blessés.
Le 2 mai,
pendant la nuit le 3ème bataillon a réalisé une progression dans la
direction ouest gagnant ainsi 35m vers les tranchées allemandes de 2ème
ligne.
De son côté, le 2ème bataillon a réalisé une progression de 10m vers
l'Est.
L'état major du
63ème relève l'état major du 78ème au commandement ds avant-postes.
Pertes: 4 tués, 7
blessés.
Du 3 au 4 mai,
mêmes emplacements, mêmes cantonnements.
Relèves habituelles.
Pertes: 2 tués, 11
blessés.
Le 5 mai, à la
date du 30 avril 1915, le général commandant l'Armée, cite à l'ordre
de l'Armée:
- Boussavit, Jean-Louis Auguste Alfred, chef de bataillon au 78ème R.I.;
"a enlevé avec son bataillon un village le 4 avril, puis le 13 avril
deux lignes de tranchées à l'ennemi. A organisé et maintenu
l'occupation des positions conquises sous le feu le plus violent et
malgré de nombreuses contre-attaques de l'ennemi."
- Jouanny, Charles, capitaine de réserve à titre temporaire au 78è;
"brillante conduite habituelle. Le 13 avril, est sorti le premier de
la tranchée de départ pour entraîner sa compagnie à l'assaut des
tranchées ennemies qu'il a enlevées et organisées sous le feu le plus
violent et dont il a maintenu l'occupation malgré les contre-attaques
répétées de l'ennemi." |
|
A
la date du 19 avril, le général commandant la 23ème division, a
conféré la Médaille Militaire au sergent Lafougère, Eugène du 78è;
"A donné constamment le plus bel exemple de courage et de
sang-froid, en particulier au cours de l'attaque du 13 avril, en
défendant seul l'accès d'un boyau violemment attaqué."
A la date du 23 avril,
le général commandant la 23ème division, a conféré la Médaille
Militaire au sergent Rossignol Ferdinand du 78è; "A été blessé
grièvement en entraînant avec le plus grand courage sa demi-section à
l'assaut d'une tranchée ennemie."
Relève habituelle.
Pertes: 3 tués, 1
blessé, 2 disparus.
Du 6 au 9
mai, mêmes emplacements, mêmes cantonnements et mêmes relèves.
Pertes: 21 tués, 43
blessés.
Le 10 mai, à
la date du 5 mai, le général commandant la 1ère Armée cite à l'ordre
de l'Armée:
le sergent Lafougère, Eugène Léon du 78è; "a donné constamment
le plus bel exemple de courage et de sang-froid, en particulier au cours
de l'attaque du 13 avril, en défendant seul l'accès d'un boyau
violemment attaqué."
les sous-officiers et
soldats du 78ème dont les noms suivent:
-Briquet Victor Léon Jean, sergent; "après l'enlèvement des
positions avancées de l'ennemi, est allé en reconnaissance jusqu'aux
fils de fer de la ligne principale de l'ennemi; s'est acquitté de sa
mission avec courage et sang-froid."
-Rouilhac Jean Baptiste Emile, soldat; "s'est présenté comme
volontaire pour assurer la liaison avec un régiment voisin sous le feu le
plus violent; a été tué en accomplissant sa mission."
-Déchorgnat Augustin, soldat; " a fait preuve d'une énergie
et d'un courage remarquable en assurant à deux reprises la liaison de son
bataillon avec un régiment voisin sous un feu intense de mitrailleuses et
d'artillerie ennemies. A été grièvement blessé dans l'accomplissement
de sa mission."
-Quillard Louis, soldat de 1ère classe; "déjà cité à
l'ordre de la Division; a été tué le 4 avril en allant reconnaître les
réseaux de fil de fer de l'ennemi."
-Duchêne Jean, soldat; " étant agent de liaison, a eu le
bras sectionné par un obus en allant porter un ordre. A montré sur le terrain
et au poste de secours un sang-froid et une énergie admirable."
-Masfranc Charles, soldat; " a fait preuve du plus grand
courage en assurant à deux reprises la liaison du bataillon avec un
régiment voisin sous un feu intense de mitrailleuses et d'artillerie
ennemies. A ramené dans nos lignes un camarade grièvement blessé."
Relèves habituelles.
Pertes: 3
tués, 25 blessés.
Le 11 mai, à
la date du 7 mai, le général commandant la 1ère Armée cite à l'ordre
de l'Armée:
- Rossignol Ferdinand Auguste Armand, sergent: "le 13 avril, a
entraîné avec le plus grand courage sa section à l'assaut d'une
tranchée ennemie et a été blessé d'un coup de baïonnette au cours de
la lutte dans la tranchée ennemie."
Relève habituelle.
Pertes: 1 tué, 1
blessé.
Le 12 mai,
mêmes emplacements et mêmes cantonnements.
Pertes: 2 tués, 17
blessés.
Le 13 mai,
l'état major du régiment relève au commandement des avant-postes (Carrière
de Flirey) l'état major du 157ème R.I..
Relève habituelle.
Pertes: 2 tués, 6
blessés.
Les 14, 15 mai,
relèves habituelles.
Pertes: 9 tués, 19
blessés.
Le 16 mai,
l'état major du régiment est relevé au commandement des avant-postes
par l'E.M. du 63ème R.I.
Relève habituelle.
Pertes: 2 blessés.
Le 17 mai, le
général commandant l'armée cite à l'ordre de l'Armée les officiers,
sous-officiers et soldats du 78è dont les noms suivent:
- Lieutenant colonel Delouche Jean Daniel; "officier de grande
valeur qui témoigne d'une énergie toujours croissante avec les
difficultés. A remarquablement dirigé l'attaque de nuit du 3 avril et
l'attaque du 13, au cours desquelles il a enlevé des tranchées
allemandes organisées. A su les conserver malgré de nombreuses
contre-attaques."
- Capitaine Teilhac Armand Michel René Léopold; " a enlevé
avec son bataillon, le 13 avril, deux lignes de tranchées ennemies, s'est
maintenu grâce à son courage et à son énergie malgré les
contre-attaques répétées de l'ennemie."
- Capitaine Tenant de la Tour Joseph Marie Louis Antoine François; "
trés brillant officier; a donné le plus bel exemple de courage et
d'(énergie en entraînant sa compagnie, le 13 avril, à l'assaut d'une
tranchée sous un feu violent. A été mortellement blessé dans la
tranchée conquise."
- Lieutenant Faucher Louis André; " le 13 avril, s'est
élancé à la tête de sa compagnie à l'assaut des tranchées ennemies
qu'il a conquises et où il s'est maintenu malgré les plus violentes
contre-attaques."
- Lieutenant Rendu Ernest Jules Antoine; " a pris part à tous
les combats depuis le début de la campagne donnant toujours le plus bel
exemple de courage; a été blessé grièvement le 14 avril, en maintenant
ses hommes dans une tranchée violemment bombardée."
- Adjudant Poulalion Pierre; " Brillante conduite au feu. Le
13 avril, a entraîné sa section à l'assaut et a été
mortellement frappé en arrivant à la tranchée ennemie."
- Sergent Chèze Jacques; " atteint, le 13 avril, de deux
blessures en sortant de la tranchée de départ, a tenu à conduire sa
demi-section jusqu'à la deuxième tranchée et ne s'est retiré qu'après
que celle ci eut été organisée."
- Caporal Monteil Joseph; " Sorti le premier, le 13 avril, de
la tranchée de départ pour se porter à l'assaut des tranchées
ennemies, a été blessé grièvement. Mort des suites de sa
blessure."
Relève habituelle.
Pertes: 5 tués, 7
blessés, 1 disparu.
Des 18 au 23
mai, mêmes emplacements et mêmes cantonnements que la veille.
Relèves habituelles.
Pertes: 1 officier
blessé, 6 tués, 41 blessés.
Le 24 mai,
l'état major du régiment relève au commandement des avant-postes
l'état major du 157ème R.I..
Pertes: 2 blessés.
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Le
25 mai, la brigade cesse d'être détachée au 31ème Corps.
L'état major du
régiment doit être relevé à 16h, les 6 compagnies aux tranchées
pendant la nuit.
Afin de reconstituer
les bataillons, le 2ème bataillon en entier va cantonner à Andilly
avec 2 compagnies du 3ème bataillon, le 1er bataillon et 2 compagnies du
3ème à Noirant.
Pertes: 3 blessés.
Le 26 mai,
mêmes cantonnements.
Pertes: 3 blessés.
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Le
27 mai, les commandants des bataillons et des compagnies intéressées
(5è, 8è, 9è, 10è, 11è et 12è) vont reconnaître dans la matinée le secteur
de Regniéville dans lequel le régiment avec 6 compagnies doit
relever un bataillon du 326ème et un bataillon du 50ème.
Les compagnies
désignées prennent le service dans le nouveau secteur pendant la nuit.
le 28 mai, à
6h l'état major du régiment prend le service dans le nouveau secteur.
dans la nuit du 28
au 29, les autres compagnies du régiment viennent occuper leurs
nouveaux cantonnements.
- PC du colonel: ravin de la Fontaine Grignon entre les
cotes 291.5 et 274.7 (carte au 1/20 000)
- Sous secteur de gauche à l'ouest de Regniéville.
- PC du chef de bataillon: 300m Sud-Ouest de Regniéville.
Effectif: 2 compagnies, 3 mitrailleuses.
Dispositions en cas
d'attaque:
la section du PC du 78è prend position immédiatement sur la croupe au
nord du P.C.
les 2 compagnies des 4 Vaux (moins une section) se portent dans la
tranchée de la croupe 311.9 - 323.3 (carte au 1/20 000).
la compagnie de droite s'y porte par la Fontaine de Grignon,
l'autre compagnie par le P.C. du 78ème,
la section disponible occupe le ravin de Jolival à hauteur du P.C.
du 78ème.
Relève: la
relève a lieu tous les 4 jours.
Le 2ème bataillon fournit les deux compagnies du sous-secteur de gauche,
il assure lui-même sa relève.
La troupe au repos vient aux 4 Vaux.
Les 1er et 3ème bataillons alternent dans le sous-secteur de droite.
Cantonnements de
repos:
un bataillon à Mamey et dans des abris dans le ravin à l'ouest de
Mamey (1er et 3ème bataillons),
2 compagnies aux 4 Vaux (2ème bataillon),
C.H.R, C.M., T.C, T.R à Saint-Jean.
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*6 |
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ce
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Du
29 mai au 4 juin, mêmes emplacements et mêmes cantonnements.
Relèves habituelles.
Pertes: 1 tué, 9
blessés.
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Le
5 juin, le 2ème bataillon du 78è est relevé par un bataillon du
31ème et va cantonner à Griscourt.
Pertes: 1 officier
blessé, 1 tué, 4 blessés.
le 6 juin, le
2ème bataillon fait étape de Griscourt à Rogéville.
Le 7 juin, le
3ème bataillon est relevé par un bataillon du 34ème Colonial et va
cantonner à Rogéville.
Le 2ème bataillon,
cantonné à Rogéville se rend à Gondreville.
Pertes: 1 tué, 3
blessés.
Le 8 juin, le
1er bataillon va cantonner à Rogéville.
Le 3ème bataillon fait étape de Rogéville à
Gondreville.
Le 9 juin,
l'état major du régiment est relevé par l'état major du 34ème
colonial et se rend à Rogéville où il arrive à 8 heures. Il en
repart à 13h pour Gondreville.
Le 10 juin,
l'état major, la C.H.R., la C.M., les T.C. et T.R. et les 3 bataillons
restent cantonné à Gondreville.
Du 11 au 15
juin, même cantonnement. Mais le régiment reçoit les ordres
d'embarquement à Toul.
Effectif: 54
officiers, 2954 troupe, 240 chevaux.
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- Cette période dans le secteur vue par le commandant Campagne du 3ème bataillon du
107ème régiment d'infanterie. |
L'opération fut
ordonnée avec une précipitation qui aggravait l'insuffisance des moyens
mis en oeuvre.
Je n'ai pas l'intention d'examiner ni même de résumer tout ce qui fut
fait sur l'énorme front qu'on mit en convulsion pour cette affaire. Mais,
à en juger par ce que j'ai connu, son destin était assuré !
Sur le front de notre division, les opérations préliminaires, comportant
l'enlèvement des postes avancés de l'ennemi, avait été exécutées
avec succès par la 45ème brigade.
L'un de ses régiments, après avoir gratté le sol en avant du terrain
gagné, n'avait pu progresser. La mission de continuer l'offensive fut
confiée au régiment, dans un style emphatique: " C'est au 107è
que va revenir l'honneur d'ouvrir au corps d'armée la route de Thiaucourt."
C'est alors que
l'erreur fut commise de lancer l'attaque dans les plus fâcheuses
conditions, ce qui n'était guère dans la manière du sapeur qu'était
notre ancien commandant de corps d'armée.
Si nous amenions en Lorraine des troupes en bon état, et qui inspiraient
confiance, puisque le chef de la 1ère armée nous avait demandés, elles
se trouvèrent littéralement ruinées à la minute suprême.
Après trois inutiles nuits de bivouac sous la pluie, le régiment passa
la veillée des armes en réserve des troupes opérant une première
tentative: exposés au canon d'une part, témoins d'un échec de l'autre,
les hommes subirent une véritable contre-préparation.
J'avais, le jour de Pâques, fait avec le chef de corps une reconnaissance
assez difficile des lieux; trop visibles sous nos manteaux de pluie en
terrain découvert, nous avions été reconduits jusqu'à l'arrière à
coup de canon. Le lundi soir, le bataillon vint se placer, s'entasser
plutôt, dans des sillons pour tireur accroupi, sans liaison entre eux ni
avec l'arrière, où le commandement allait être paralysé. La pluie ne
cessait pas.
A l'aurore, l'artillerie devait commencer sa préparation, bien que nombre
de batteries, placées dans la nuit même, n'eussent pas fait de
réglages, et l'infanterie sortirait à 8 heures.
Ici s'est posé à moi
la question la plus grave qui puisse surgir dans la conscience du chef: le
droit ou le devoir de ne pas exécuter volontairement un ordre
donné, et un ordre de l'importance d'une attaque.
C'est, à proprement parler, le cas prévu par le code de justice
militaire sous la rubrique : Refus d'obéissance en présence de
l'ennemi, lequel est puni de mort !
...
Plus loin, à Mamet,
brigade, division, corps d'armée, armée, ne font plus qu'un groupe sous
la férule du chef supérieur qui est présent, persiste et ordonne !
Où suis-je pour livrer ce double combat ? Un toit de planches et de
chaume sur un fossé de route élargi abrite le téléphone, la liaison,
les blessés. Sous la pauvre table où j'écris sur un carnet boueux, un
blessé grave agonise dans le delirium tremens en me labourant de
coups de pied jusqu'à ce qu'il en meure. Si je fuis ce coin d'enfer, on
m'y rappelle et chaque allée et venue m'oblige à piétiner les hommes en
risquant ma vie pour passer dans la tranchée où ils gisent, éreintés
...
Au petit jour,
l'artillerie ouvre un feu violent, mais déréglé. Il y en a pour tout le
monde, même pour nous. Les tranchées ennemies ne souffrent guère des
obus de 75 et les fils de fer ne sont pas entamés: je contremande
l'assaut.
On l'ordonne à nouveau pour midi. La préparation n'est pas meilleure. On
commence à s'irriter de part et d'autre et on me donne encore quatre
heures de répit. Notre situation ne fait qu'empirer, nous perdons du
monde; ma résistance fait remettre à demain ce qu'on n'a pu faire
aujourd'hui, et la nuit s'étend sur notre triste aventure.
La nuit passe, Dieu sait comment !
A minuit, un de mes capitaines m'est ramené blessé. Un peu plus tard on
doit m'étendre moi-même, évanoui. Je ne réagis que pour discuter
encore, car on doit sortir, à n'importe quel prix ce matin.
Je vois mes capitaines, leurs hommes; ce n'est pas reluisant. A six
heures, je suis dans la tranchée: on ne sortira pas.
Si, pourtant; ma compagnie de droite, la 12ème, a tenté la chance. Le
Chevalier en tête avec le lieutenant Bourdin, quelques gradés et une
poignée d'hommes ont enjambé le talus. Vaine tentative ! Ils s'abattent
dans les trous d'obus devant la ligne, sous une volée de mitrailleuses.
( Plus à droite, le capitaine de Beaucorps, qui commande le 2ème
bataillon, a courageusement sauvé ses hommes en s'élançant seul avec sa
liaison, dans les mêmes conditions.)
...
Un peu plus tard,
après un nouveau tir d'artillerie, enfin mieux réglé, mais encore
inefficace et surtout tardif, on me demande un nouvel effort. Sarot me
rappelle. Excédé, je réponds: "Je ne peux pas et je ne veux
pas."
Cette fois le sort en est bien jeté !
...
Quand la nuit vient,
Ducasse m'offre, au nom de ses hommes, de se porter en avant de la moitié
de la distance; les braves gens veulent avoir fait quelque chose pour
éviter qu'il m'arrive malheur.
Je laisse faire et cours vers la 12ème pour connaître le sort de ceux
qui sont sortis, après la journée mortelle où l'ennemi n'a cessé de
tirer sur les trous d'obus au fond desquels ils s'efforcent de s'écraser.
Tous sont indemnes, sauf un: le petit caporal Charbonnier, frère de son
capitaine et son voisin de trou, s'est endormi dans la journée, et a
remué. Cela a suffi: jusqu'au soir ils ont tiraillé sur le trou et le
malheureux a fini par être atteint. On le rapporte à la tranchée,
agonisant.
Sans déboucher des tranchées, le bataillon a perdu 135 hommes et 4
officiers. Pour la seule transmission de mes ordres, 15 agents de liaison
sont tombés !
L'expérience doit
paraître suffisante: à la fin de la nuit nous sommes relevés.
Dans quel état
retrouvais-je, au matin, le bataillon rassemblé derrière les lignes ! Du
bleu clair dont nous étions supposés vêtus, il ne restait pas trace
sous la couche d'argile boueuse. Des mines hâves d'hommes qui n'avaient
à peu près rien pris depuis 3 jours, et les figures des mauvais jours.
Près de Mamey, le
bataillon défila devant les généraux Duport et Nollet, commandant les
brigades de la 24ème division. Connaissant le premier, je m'arrêtai et
m'excusai d'avoir présenté, au passage, des unités si pitoyables. Ils
étaient au courant de nos incidents.
Je devais inspirer moi-même quelque pitié, et tous deux m'ont rappelé
plus tard cette rencontre.
Comme je prenais congé, le général Nollet me tendit la main. Je lui
montrai la mienne, si sale et terreuse que je n'osais répondre à son
geste. Mais lui sortit son gant et pris ma main, en ajoutant à ce geste
aimable quelques mots qui, dans l'état d'accablement où je me trouvais,
m'allèrent au cœur.
Si je ne les rapporte pas, ce n'est pas que je les aie oubliés.
On se traîna comme on
put jusqu'au cantonnement de Rogéville...
...
Le 11 avril, nous
retournions au secteur de Fey-en-Haye, devenu défensif, et on travailla
ferme à son organisation, entre les deux artilleries devenues
silencieuses. Nous étions toujours sans colonel.
Ramenés au repos à
Griscourt après quatre jours de service...
...
Il y avait un gros
travail d'organisation à faire dans le secteur bouleversé de Fey. Le
calme y était propice aux travaux que le régiment entrepris
vigoureusement. Il avait une réputation assise à ce point de vue. Déjà
n Champagne, le général Roques nous avait baptisés: le 107è
Terrassiers.
Immédiatement à notre droite, la tranchée était toujours houleuse:
nous touchions au fameux quart en réserve du Bois-le-Prêtre où des
combats fréquents alertaient tout le secteur.
...
Notre séjour en
Lorraine devait nous réserver un autre et bien pénible et cruel souvenir
!
Le 24 avril, le régiment prenait les armes, à Griscourt, pour une parade
d'exécution.
De tous les spectacles - et il en est d'affreux - que peut offrir la
guerre, celui-ci m'a paru le plus tragique. Assurément, la mort frappe
ici les coupables auxquels ne peut aller la tendre pitié qu'on éprouve
vis-à-vis de ceux qui tombent en faisant leur devoir. Même mérité, le
châtiment n'en semble pas moins infiniment pitoyable !
C'était une double exécution, et l'un des condamnés, C..., avait
appartenu au bataillon avant sa deuxième désertion. Le malheureux, dont
la lâcheté avait été répétée, fit preuve devant la mort
inéluctable d'une fermeté extraordinaire. Tandis que l'autre devait
être soutenu pour défiler devant le front des troupes, C... marchait
droit, seul. En passant devant moi, il salua. Il salua encore le drapeau,
puis le colonel, et alla enfin s'adosser à son poteau en refusant le
bandeau sur les yeux. Il demanda à haute voix pardon aux camarades, et
parlait encore quand la salve déchira l'air.
Alors nous avons défilé, les cœurs atrocement serrés...
C'est la guerre ! ...
Description
de ce fait dans le "Journal" du 107ème
Le 24 avril,
Ordre de la 23ème
D.I prescrivant que le 107ème en entier assistera à l'exécution
des soldats Voisin du 63ème et Cormwaël du 107è, condamnés à
mort par le conseil de guerre en date du 28 mars. Le 107 assurera
l'exécution du jugement à proximité de Griscourt.
La parade d'exécution a lieu à 16 heures, à 800 mètres au
Nord-Est de Griscourt; puis les trois bataillons regagnent leurs
cantonnements
Dans sa séance
du 28 mars 1915, le conseil de guerre de la 23ème D.I. a rendu le
jugement suivant:
Soldat Cormwaël Julien Arthur du 107è coupable de refus
d'obéissance lors qu'il était commander pour marcher contre
l'ennemi, condamné à la peine de mort avec dégradation militaire.
Le dit jugement prononçant la peine de mort contre le soldat
Cormwaël a été exécuté le 24 avril 1915 à 16 heures. |
Au mois de mai, le
remaniement des positions de la division nous amena un peu plus à
l'ouest, au secteur devant Limey. Une partie de mes lignes s'étendait
devant le bois de Mortmare qui avait été violemment secoué dans les
précédentes semaines.
Ce secteur comportait à cette époque une singularité que je n'ai
trouvé nulle part ailleurs: la fusillade y était ininterrompue tant que
durait la nuit.
Dès que l'obscurité venait, un coup de fusil partait de la ligne
ennemie, puis un autre; nos hommes ripostaient, et cela durait jusqu'à
l'aube. Cela n'avait aucun sens, les hommes tirant au jugé, sans but.
J'essayai à deux reprises d'interdire cette inutile débauche de
cartouches. Les hommes, s'énervant, me demandèrent de les laisser faire,
comme l'ennemi faisait lui-même, et je dus revenir à la tradition
locale. Après tout, les balles ne devaient pas être perdues en
totalité, et cela pouvait rendre la vie difficile à ceux qui circulaient
dans les bois.
Mais nos communications en étaient rendues si pénibles que, mon poste se
trouvant sur une autre partie du secteur, je pris l'habitude de descendre
devant Mortmare à la chute du jour pour passer la nuit avec les deux
compagnies qui se trouvaient là.
Quand, après un mois, les coloniaux vinrent nous relever, on leur passa
scrupuleusement cette étrange consigne.
C'est à ce moment que
le général Bonfait prit le commandement de la 23ème division. Il devait
rester à notre tête jusqu'à la fin des hostilités.
...
Le 12ème corps
quittait le front de Lorraine avec d'assez tristes souvenirs.
On s'embarqua à mi-juin. Les hommes n'étaient pas fâchés du retour à
la civilisation que représentait le transport par voie ferrée.
L'infanterie d'abord, considère comme agréable tout déplacement qui
n'est pas effectué à pied. Et puis, bien que les wagons mis à la
disposition des voyageurs militaires fussent le dernier mot de l'inconfort
moderne, le train valait toujours bien la tranchée, et il est moins
périlleux.
On ne se plaignait pas de la lenteur du convoi: bien qu'on ignorât la
destination du voyage, on en savait toujours assez sur le but du
déplacement. Alors on n'était pas si pressé d'arriver !
Le long de la route, on voyait des bourgeois, même des bourgeoises, qui
saluaient les voyageurs de leurs mouchoirs agités.
Dans les gares, il y avait des rafraîchissements, les uns offerts par la
République elle-même dans la personne de ses officiers d'administration,
les autres servis par la bonne grâce souriante des dames de la
Croix-Rouge. On était dépassé par de beaux trains remplis de civils
dont la mine importante et grave paraissait supporter tout le poids de la
guerre, et qu'on méprisait un peu.
Non ! ce n'était pas désagréable du tout, de voyager derrière le
front.
On débarqua à
Amiens.
La destination du corps était encore inconnue...
...
Si j'ai pris, quand
nous nous sommes connus, et si le général ( le général Bonfait)
a bien voulu me consentir la liberté de lui parler toujours sans
contrainte notre première rencontre ne laissa pas d'être un peu ...
heurtée.
Nous avions quitté le pour des cantonnements de repos au sud de Toul. Un
après-midi, sans avis préalable, le général visita le régiment.
Arrivant à bicyclette pour voir mon camarade du 1er bataillon, je tombai
sur notre chef inspectant, dans la cour d'une ferme, ses unités.
Je dois dire que je n'avais pas une tenue des plus régulières, si tant
est que quelqu'un pût définir à cette époque une tenue réglementaire.
Mais j'en étais déjà au costume "genre britannique".
J'anticipais également sur le décret qui autorisa plus tard les
militaires à s'affranchir du port de la moustache.
( note du livre: si on en croit Bachaumont, le port de la
moustache et de la "mouche" chez les militaires à une origine
confessionnelle: "ils laissèrent croître sous le nez une ligne
horizontale de poils qui devint la moustache, et sous la lèvre, un
bouquet perpendiculaire qui donnait à l'ensemble la forme d'une
croix. Ainsi la moustache devint un symbole de liberté, et de fraternité
qu'adoptèrent les gens de guerre professant la foi chrétienne."
Hé quoi ! La république d'avant guerre, si entièrement affranchie de
l'obscurantisme clérical, nous avait imposé le port de la moustache et
du petit "bouquet perpendiculaire", signe de la Croix ?
Horresco referens !)
- Qu'est-ce que c'est que ça ? dit de très haut le général en
pointant vers moi le menton et en ajustant son monocle.
- ça ? dis-je en compensant le ton bourru par une attitude strictement
correcte, ça, c'est le commandant Campagne, 3ème bataillon du 107è !
Il y eut un froid. Le général s'était rapproché de moi, en continuant
à m'inspecter du haut en bas. Il reprit:
- Eh bien ! j'ai vu beaucoup de choses extraordinaires depuis la guerre,
mais je n'avais encore jamais rencontré un chef de bataillon de l'armée
française sans moustache !
J'allais répondre quand l'officier qui l'accompagnait rompit les chiens
en me disant que le général allait également passer chez moi. Je
n'attendis pas un congé plus précis et je m'esquivais.
J'arrivai juste à temps pour recevoir mon chef à la descente de sa
voiture.
(...)
En s'éloignant, il eut la bonne grâce de se déclarer enchanté de
m'avoir vu: il m'avait adopté !
Sur le marchepied de la voiture, il se retourna :
- cependant, il me serait agréable de voir repousser votre moustache !
Et je ne lui ai pas refusé cette satisfaction.
*1
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*10 |
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Sources
* |
Source
1: "le chemin
des Croix 1914 - 1918" Colonel Campagne, édition Tallandier, 1930. |
Source
2: "Journal de marches et opérations"
du 21ème régiment d'artillerie de campagne. |
Source
3: "la Trouée de Revigny - 1914 - 1918" Guide illustrés
Michelin des Champs de Bataille. 1920. |
Source
4: "La Première Guerre mondiale en France" Jean-Noël
Grandhomme 2011. |
Source
5: "Journal de marches et opérations"
du 63ème régiment d'infanterie. mémoire des hommes.
|
Source
6: "le Saillant de Saint-Mihiel" Guide illustrés
Michelin des Champs de Bataille. 1920.
|
Source
7: "Chemins de mémoire 14-18" Jean Pascal Soudagne.
2008. |
Source
8: "Journal de marches et opérations"
du 78ème régiment d'infanterie. mémoire des hommes.
|
Source
9: "Des Armes et des Larmes, Mémoire
creusoise de la Grande Guerre" Guy Marchadier, 2003. |
Source 10:"Le
Livre du Gradé d'Artillerie à l'usage des élèves brigadiers,
brigadiers et sous-officiers d'Artillerie de Campagne"
édition pour 1913-1914. |
Source
11: "Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier 1914 -
1918" |
Source
12: "Historique du 78ème Régiment
d'Infanterie pendant la Guerre 1939 - 1940" Colonel Pujol,
Charles-Lavauzelle & Cie |
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