2ème
époque: Du 18 mars 1917 à
mars 1918
Le recul des forces allemandes sur la ligne Hidenburg éloigne Boulogne
de la Guerre.
|
Carte moderne
des environs de Boulogne.
Vous pouvez l'ouvrir en parallèle
avec le site
|
|
|
Le
repli allemand de mars 1917. L'année
1916 avait été funeste pour les armées allemandes vaincues devant
Verdun. Dans la Somme, le choc avait été trop rude pour que les
Allemands consentissent à livrer une seconde bataille sur le terrain
même de leur défaite, dans des organisations improvisées et
précaires.
En mars 1917, les Allemands refusent la bataille sous la menace de
dangereuses offensives de flanc,
En
retraitant, les Allemands, applique la stratégie de la "terre brûlée"
en dévastant systématiquement le pays abandonné. Ils
détruisent les maisons, les vergers, les ponts, les
carrefours etc...
la stratégie de la "terre brûlée", dans le secteur de
Villers-Carbonnel, vu et décrit par Ernst Jünger dans "Orages d'acier".
" Le 13 mars, je reçus du colonel von Oppen la mission
flatteuse de tenir le secteur de compagnie avec une patrouille de deux
groupes, jusqu'au repli du régiment sur l'autre rive de la Somme.
Chacun des quatre secteurs de première ligne devait être ainsi gardé
par une patrouille de cette force, dont le commandement était confié
à des officiers. Les secteurs étaient, de l'aile droite à ,l'aile
gauche, sous les ordres des lieutenants Reinhardt, Fischer, Lorek et
sous les miens.
Les villages que nous traversâmes en remontant en ligne offraient le
spectacle de grands asiles d'aliénés. Des compagnies entières
poussaient des murs ou halaient dessus pour les abattre, ou bien,
perchées sur les toits, elles fracassaient les tuiles. On coupait les
arbres, on enfonçait les carreaux; partout alentour, des nuages de
fumée et de poussière s'élevaient d'énormes tas de décombres. On
voyait des hommes s'agiter frénétiquement, avec les costumes
qu'avaient abandonné les habitants, ou en robes de femmes, des
hauts-de-forme sur la tête. Ils découvraient avec l'intuition du
destructeur la maîtresse-poutre de la maison, y fixaient des cordes et
halaient, criant en cadence, jusqu'au moment où tout s'effondrait dans
une grêle de pierres. D'autres brandissaient de grands marteaux et
mettaient en miettes tout ce qu'ils rencontraient, des pots de fleurs
sur les appuis de fenêtres aux verrières délicates d'une serre.
Jusqu'à la position Siegfried, chaque village n'était plus qu'un
monceau de ruines, chaque arbre abattu, chaque route minée, chaque puit
empoisonné, chaque cours d'eau arrêté par des digues, chaque cave
crevée à coups d'explosifs ou rendue dangereuse par des bombes
cachées, chaque rail déboulonné, chaque fil téléphonique roulé et
emporté, tout ce qui pouvait brûler avait flambé: bref, nous
changeâmes le pays en désert, en prévision de l'avance ennemie. Ces
spectacles faisaient songer à une maison de fous, comme je l'ai dit, et
provoquaient des sentiments analogues, mi de comique, mi de dégoût.
Ils furent aussi, et l'on ne tarda pas à s'en apercevoir, funestes pour
la discipline. Ce fut la première fois où je vis à l'œuvre la
destruction préméditée, systématique, que j'allais rencontrer
jusqu'à l'écœurement dans les années suivantes; elle est en
corrélation étroite avec les doctrines économiques de notre temps et rapporte
au destructeur lui-même plus de tort que de profit. Les villages
auraient été de toute manière anéantis dans les combats qui
suivirent, mais d'une manière plus digne du soldat.
Parmi les surprises préparées pour nos successeurs, quelques-unes
étaient d'une méchanceté raffinée. C'est ainsi qu'on tendait à
l'entrée des maisons et des galeries des fils métalliques, presque invisibles,
fins comme des crins, qui déclenchaient au moindre contact des charges
d'explosifs. En de nombreux endroits, des puits furent creusés dans les
rues; on y enfouissait un obus; le tout était recouvert d'un madrier de
chêne, puis de terre. Un clou, planté dans le madrier, dépassait
juste au-dessus de la fusée de l'obus. L'épaisseur de la planche
était calculée de telle sorte que les détachements d'infanterie
pouvaient y passer sans risques, mais dès que le premier camion ou que
la première pièce d'artillerie le traversait, le madrier se courbait
et l'obus sautait. Les plus perfides étaient les bombes à retardement,
enterrées au fond de la cave d'édifices isolés, qu'on laissait
intacts. C'étaient de grosses bombes, séparées en deux parties par
une cloison de métal. L'une des chambres était remplie d'explosif,
l'autre d'un acide. Une fois qu'on avait dissimulé ces oeufs
diaboliques, l'acide rongeait durant des semaines la cloison métallique
et amorçait la bombe. L'une d'elles fit sauter l'hôtel de ville de
Bapaume au moment même où les autorités s'y était rassemblées pour
célébrer par une grande fête l'entrée des troupes anglaises.
Le 13, la 2ème compagnie évacua donc la position, que je pris en
charge avec mes deux groupes. Cette même nuit, un simple soldat,
Kirchhof, fut abattu d'une balle dans la tête. Le curieux, c'était que
ce projectile mortel fût le seul tiré par l'adversaire dans un espace
de plusieurs heures.
Je pris toutes les dispositions imaginables pour faire illusion à
l'ennemi sur notre force réelle. Par-ci, par-là, on jetait quelques
pelletées de terre par-dessus le remblai de la tranchée et notre
unique mitrailleuse devait tirer une salve, tantôt de l'aile droite,
tantôt de l'aile gauche. Pourtant, notre tir rendait un son bien grêle
quand des observateurs survolaient la position à basse altitude, ou
qu'un détachement de terrassiers traversait les arrières de l'ennemi.
Aussi, il ne passait pas de nuit que des patrouilles ne parussent à des
points divers, devant notre tranchée, pour éprouver la solidité de
notre réseau. ... Le
17 au matin, nous remarquâmes qu'une attaque devait être imminente.
Dans la tranchée anglaise de première ligne, fortement embourbée et
vide à l'ordinaire, on entendait u clapotis de bottes. Les rires et les
cris d'une troupe nombreuse décelaient que nos gaillards avaient aussi
dû s'humecter sérieusement l'intérieur. ... Au
moment prescrit, les patrouilles, déjà engagées en partie dans des combats
à la grenade, se décrochèrent en direction de la Somme. Quand nous
eûmes, les derniers, traversé les marais, des détachements du génie
firent sauter les ponts.
Nos positions étaient toujours soumises au pilonnage. Ce n'est que
quelques heures après que les premiers éclaireurs ennemis parurent sur
la Somme. Nous nous rabattîmes derrière la position Siegfried, à
laquelle on travaillait encore; le bataillon prit ses cantonnements au
village de Lehaucourt, situé sur la canal de Saint-Quentin. Je logeais
avec mon ordonnance dans une toute petite maison proprette, dont les
habitants avaient laissé leurs ustensiles et leur vaisselle rangés
dans les commodes et les placards.
Le premier soir de repos, j'invitai mes amis à un vin chaud assaisonné
de toutes les épices trouvées chez le propriétaire de ma maison, car
notre service de patrouilles nous avait valu, entre autres marques
d'estime, quinze jours de permission."
|
Apparition de
cartes postales sur les "villes et villages martyrs", sur les
"destructions systématiques" pratiquées par les allemands en
retraite.
|
Toute la région Roye -
Lassigny - Noyon est à près de 40 kilomètres des nouvelles lignes.
Peu à peu cette région renaît. La 3ème Armée (Humbert) colonise ce
pays naguère si riche et que l'ennemi a transformé en désert.
Sur ce terrain , en deux ans ( 1915 - 1917 ) les Allemands avec leur
"génie organisateur" n'avaient ensemencé que 2 360 hectares.
En un an à peine (avril 1917 - février 1918) la 3ème Armée
française, dans le même domaine, mais effroyablement ravagé, avait
ensemencé 11 500 hectares et en avait préparé près de 15 000.
Cet effort magnifique va bientôt être compromis.
*1 et 2
|
|
|
|
"la
France héroïque est ses alliés" tome II, édition Larousse 1919 |
La ligne
Hindenburg
Jusqu'ici,
il n'a guère été question que de défensive sur le front occidental,
pendant que le destin de la Russie s'accomplissait.
Aussi la défensive a-t-elle été renforcée de ce côté d'une manière
formidable.
Une gigantesque muraille de Chine a été créée, qui, dans l'esprit du
Haut Commandement allemand, constituera le front inviolable destiné à
paralyser les efforts des Alliés supérieurs en nombre, et à laisser
libre le plus de forces possible pour combattre en Orient.
Cette barrière est déjà vaguement connue sous le nom de ligne
Hindenburg; elle sera célèbre plus tard.
Par le développement et la perfection de ses ouvrages, par l'abondance
des matériaux qui y ont été employés, elle laisse bien loin derrière
elle tous les travaux de champ de bataille et même de fortification
permanente que le monde ait connus avant 1914.
Elle
comprend quatre systèmes, dessinant ensemble un croissant dont la
convexité est tournée vers Paris.
Le
premier de ces systèmes,
utilisant généralement des lignes d'eau ou des accidents de terrain,
est continu et se moule à peu près sur la forme du front. Il
a une profondeur d'une dizaine de kilomètres, comprenant cinq tranchées
parallèles, protégées par des réseaux de fils de fer et que relient
de multiples tranchés de communication, permettant de cloisonner la défense
à l'infini et de constituer de véritables pièges pour les régiments
adverses trop hardis.
Les secteurs de ce système s'appellent, du nord au sud, la Franken
Stellung, la Preuss Stellung, la Bayern Stellung ; puis, en souvenir des
héros de l'Allemagne des Niebelungen : Wotan, Siegfried, Alberick, etc.
Le
second système,
moins convexe que le premier et discontinu, prend appui, à droite, sur
le camp retranché de Lille, puissamment organisé, et, à gauche, sur
la région fortifiée de Metz Thionville.
Il court parallèlement au premier depuis Lille jusqu'à hauteur de
Saint-Quentin; puis, il s'en détache nettement pour emprunter les fossés
de la Serre, de l'Aisne et les hauteurs de la Moselle, sous les noms de
Hunding, Brunehilde, Kriemhilde et Michel Stellung.
Le
troisième système,
encore moins convexe que le second et prenant appui sur les deux camps
retranchés, n'est pas entièrement terminé, mais son achèvement est
poussé avec activité. On
emploie même sans scrupule à ce travail des prisonniers de guerre
russes, anglais ou français, au mépris des lois internationales.
Jalonnée par Douai, Hirson, Sedan et Montmédy, cette ligne est déjà
susceptible d'une résistance très sérieuse entre Douai et Mézières,
dans les secteurs Hermann et Hagen, qui interdisent les vallées de la
Sambre et de la Meuse.
Le
quatrième système,
qui relie Valenciennes à Givet, par Maubeuge et Philippeville, est
destiné à renforcer la défense des vallées de la Sambre et de la
Meuse, de manière que, même si le troisième système était, forcé,
les Armées engagées dans les Flandres aient le temps de se dégager
par Gand, par Bruxelles ou par Namur. Cette
ligne, incomplètement terminée, n'est pas encore en état de rendre
les services que l'on attend d'elle, mais on y travaille activement.
Les
quatre systèmes sont renforcés, aux points les plus particulièrement
exposés, par des lignes intermédiaires, dont quelques-unes sont à
peine ébauchées, mais dont d'autres sont susceptibles de permettre une
résistance prolongée contre des troupes déjà épuisées par l'enlèvement
des positions principales.
Ils sont, en outre, reliés par de nombreuses bretelles (riegelstellung)
qui permettraient de localiser un succès ennemi important et d'enfermer
dans un cercle infranchissable des divisions ou même des Corps d'Armées
victorieux.
Seule,
l'Alsace a été négligée. Elle n'est protégée que par le premier
système qui se prolonge jusqu'à la frontière suisse.
En
somme, l'invasion est puissamment rivée dans le territoire français,
et il est évident que son refoulement nécessiterait la mise en oeuvre
de moyens que, malgré l'admirable prévoyance de notre Haut-commandement
et l'activité de nos arsenaux, nous ne possédons pas encore.
En
outre, elle est outillée pour passer à une offensive vigoureuse dès
qu'elle en jugera l'occasion favorable.
|
*3
et 4 |
|
|
*
2 |
A
cette époque, la 1ère Armée semble occuper l'est de Boulogne et la
3ème l'ouest. |
1ère
Armée (J.M.O du ...) |
|
13 mars 1917, les tirs
ennemis semblent venir de batteries éloignées.
au 35ème C.A., un détachement de la 25ème D.I. pénètre vers la Tour
Rolland (nord-ouest de Lassigny) jusqu'à la 2ème ligne allemande sans
rencontrer un seul ennemi. Au 13ème C.A., une patrouille de la 26ème
D.I. trouve le saillant de l'Etrave inoccupé.
Incendie à Thiescourt.
|
13ème
Corps d'Armée (J.M.O du ...) |
|
"le 10 mars 1917,
événements de la journée: journée calme dans l'ensemble.
Activité modérée de l'artillerie ennemie.
11 mars,
Événements de la journée: journée calme. Activité moyenne de
l'artillerie ennemie.
Renseignements sur l'ennemi: de nombreux et importants incendies
ont été signalés dans la journée du 11 dans la région de la Fère,
Tergnier, Chauny et Noyon.
Toute la région entre Pont-l'Evèque, Vauchelles et Morlincourt est
inondée.
12 mars,
Événements de la journée: l'artillerie ennemie redevient un peu
plus active.
Renseignements sur l'ennemi: des travaux nouveaux ont été
exécutés sur la deuxième position allemande dans la région de Cuy.
Tous les ponts des voies ferrées au sud de Noyon sont détruits.
13 mars,
Événements de la journée: deux reconnaissances exécutées au
sud-ouest de la rue Mélique et au sud de Drelinscourt ont trouvé les
tranchées ennemis vides.
Renseignements sur l'ennemi: pour empêcher la navigation sur le
canal latéral à l'Oise, des arbres ont été abattus par les Allemands
et mis en travers du canal.
Incendies à Thiescourt, à Pont-St-Mard et St-Paul-aux-Bois.
14 mars,
Renseignements sur l'ennemi: l'artillerie allemande est toujours
active sur tout le front... l'Aviation ennemie est complètement
inactive.
15 mars,
Événements de la journée: faible réaction de l'artillerie et
de l'infanterie ennemies.
Renseignements sur l'ennemi: tous les préparatifs du repli
allemand semble terminés.
16 mars,
Événements de la journée: à 17 heures, la 26ème D.I. se
porte à l'attaque et s'empare des deux premières lignes de la 1ère
position allemande entre l'Ecouvillon et la rue des Boucaudes. La
position ennemi ne comportait ni personnel ni matériel.
Renseignements sur l'ennemi: des prisonniers de la 15ème
division de Landwehr déclarent que la 1ère position à défendre par
les Allemands serait celle du Mont Simeon.
17 mars,
Événements de la journée: la 26ème D.I. continuant sa
progression sans rencontrer aucune résistance, occupe Thiescourt,
Evricourt et Epinoy.
Renseignements sur l'ennemi: l'ennemi avait abandonné le terrain
sur lequel a eu lieu la progression du 13ème Corps d'Armée.
18 mars,
Événements de la journée: la 26ème D.I. occupe Noyon et la
région Vauchelles, Porquericourt, Dive-le-Franc après une progression
rendue difficile par les nombreux obstacles créés par l'ennemi.
Renseignements sur l'ennemi: l'ennemi a continué à se replier
dans la direction de Chauny."
|
"Conchy
le 11 avril 1917... Ces jours derniers, il est tombé beaucoup de neige
et maintenant il pleut. Vraiment on ne se croirait pas au printemps.
Espérons que le beau temps va bientôt revenir car tout le monde en a
besoin. Que l'on est heureux d'être éloignés des Allemands, quel
changement, tout est calme, on se croirait dans un autre monde..
Lucie"
Carte postale.
|
5ème Groupe
d'Afrique (J.M.O du ...) |
|
18,
19 mars 1917: pendant la journée, le groupe repart à 19 heures pour
venir cantonner à Bains, château près de Boulogne-la-Grasse.
Départ le 28, embarquement à Montdidier.
|
|