A
19 heures, le colonel reçoit l'ordre suivant du général commandant la
24ème D.I.:
"18h10 - tenir à tout prix Jumel - Ailly.
La 4ème D.I.C. doit tenir en liaison avec vous le bois
d'Ailly et Merville."
Cet ordre est
immédiatement transmis pour exécution aux 1er et 2ème
bataillons; en même temps, il est prescrit aux commandants des
bataillons de maintenir le contact avec les éléments de la 4ème
D.I.C.
A 19h30, la 3ème
compagnie du 12ème B.C.C. (8 chars) est mise à la
disposition du colonel commandant le sous-secteur; cette unité reçoit
l'ordre, à 21h30 de se porter au parc de Chaussoy en vue d'effectuer
une contre attaque éventuelle en coopération avec la 6ème
compagnie tenant le point d'appui du parc.
Pendant ce temps une nouvelle attaque allemande débouche sur la gauche
du sous-secteur devant le front du 3ème bataillon et de la 5ème
compagnie, au bois de Berny. L'attaque d'infanterie est clouée net au
sol par le tir de nos armes automatiques qui remplissent leur mission
malgré les violents bombardements qui nous occasionnent des pertes.
A 20 heures,
nouvelle attaque allemande également repoussée.
L'attaque
déclenchée vers 17h25, particulièrement violente sur Jumel, est
brisé par le feu de nos armes automatiques.
La 1ère compagnie qui occupait Jumel tint tête d'une façon
remarquable à un ennemi mordant et puissamment armé et ne se laissa
entamer en aucun point de son dispositif.
La liaison
momentanément perdue avec la 4ème D.I.C. à droite a été
de nouveau rétablie.
Cette liaison devait être assurée entre Ailly et Guyencourt par un
G.R.D. qui s'est replié.
Le bataillon a pris cette liaison à sa charge et l'a assurée et
maintenue, malgré la présence d'éléments ennemis à proximité
immédiate de l'itinéraire.
A 19h30, le
bataillon reçoit du colonel l'ordre de tenir à ,tout prix Jumel et
Ailly-sur-Noye. Cet ordre est exécuté en tous points et le bataillon,
dont le moral est excellent, conserve la totalité du terrain qui lui
était confié, malgré la précarité des liaisons, la pénurie des
munitions d'artillerie et la pression d'un ennemi puissamment armé.
- 2ème
bataillon:
A 0 heure, le commandant de la 6ème compagne (P.A.20)
reçoit l'ordre d'orienter son dispositif face à l'ouest et au
nord-ouest; 1 G.M. et le 37 sont portés sur les lisières ouest du
parc.
Le 7 juin est la
journée de la 5ème compagnie, installée corne est du bois
de Berny. Elle avait été visitée dès 4 heures par le chef de
bataillon qui la savait exposée. En effet, entre 8 heures et 9 heures
on entend des ronflements continus de moteurs, indice d'une mise en
batterie de l'artillerie allemande.
A 9 heures, un tir
d'artillerie est dirigé sur le bois de Berny.
Au nord du front du
bataillon, des villages occupés par la D.I.C. tiennent encore.
La fin de matinée
est calme.
Dans l'après-midi,
c'est l'approche de l'ennemi vers Jumel et l'attaque sur le front de la
5ème compagnie:
- 1) Débouchant de la crête limitant l'horizon au nord à partir de
13h30, arrivent devant le point d'appui à l'ouest de Jumel (600m de la
7ème compagnie) les premiers éléments ennemis comprenant
motocyclistes et auto-mitrailleuses; ces éléments se dirigent de
l'ouest vers l'est et se concentrent dans le bois dominant le Noye (nord
de Jumel); des camions transportant des troupes suivent à partir de 17
heures (on compte 17 camions).
L'infanterie allemande tente d'aborder les lisières ouest de Jumel mais
elle est repoussée.
Tous ces mouvements ont été signalés à l'artillerie qui réagit
vigoureusement vers 17 heures.
Les mitrailleuses et le 75 du point d'appui 22 (ouest de Berny, 7ème
compagnie) ouvrent le feu.
Les éléments ennemis se retirent laissant plusieurs des leurs sur le
terrain.
- 2) Devant les
lisières nord-est du bois de Berny, une concentration analogue d'engins
et d'infanterie ennemis s'effectue aux même heures.
A partir d 14 heures, activité intense de l'aviation de reconnaissance
ennemie; des auto-mitrailleuses vont des abords de Jumel au bois de
Lozières.
A 14 heures 30,
bombardement du P.C. de la 5ème compagnie (bois de Berny) et
par percutants du point d'appui Boitel (corne nord-est).
A 15 heures, attaque
sérieuse sur cette corne, avec effort débordant.
Riposte de toutes les armes automatiques. Flottement et arrêt des
fantassins qui se retirent au bout de quelques minutes.
On aperçoit 4 tués abandonnés à 200 mètres.
Le commandant de la 5ème compagnie renforce la section
Boitel par le 4ème G.M. (sergent Breton).
A 15 heures 30, le
25 détruit une auto-mitrailleuse.
A partir de 16
heures, bombardement violent sur toute la corne est du bois de Berny.
Le 4ème G.M. à peine installé est démoli: 2 tués, 6
blessés dont le sergent Breton. Restent deux hommes.
Concentration d'une cinquantaine de chars à 200 mètres au nord du
front de la 5ème compagnie.
Vers 18 heures,
bombardement de la lisière ouest du boqueteau occupé par le point
d'appui Rolland (P.A.14) pendant que l'infanterie allemande s'infiltrait
par les blés et avançait jusqu'à 400 mètres.
Compte-rendu du
commandant de la 5ème compagnie au P.C. du 2/78ème
indiquant qu'il attend une attaque appuyée par les chars.
En tout cas,
l'attaque allemande a été stoppée pour cette journée et l'effort
fait pour tourner le bois de Berny par l'est a échoué.
Son succès aurait mis nos éléments installés dans ce bois dans une
situation désespérée.
L'attitude du lieutenant Taillefer, commandant la 5ème
compagnie et de ses hommes donne confiance pour les combats à soutenir
dans les journées suivantes.
Vers 18 heures, tir
d'artillerie du commandant Soules (2/21ème R.A.D.) sur la
concentration allemande signalée par le commandant de la 5ème
compagnie devant son front; tirs merveilleux par sa précision; on
entend des Allemands hurler de douleur.
A 18 heures, liaison
du lieutenant Hubert au P.C.R.I. où il apprend l'attaque sur le 63ème
R.I..
Étant données les
circonstances, le chef du bataillon décide à la tombée de la nuit,
d'envoyer trois patrouilles de reconnaissance et de liaison.
1) Craignant une infiltration entre Jumel et Berny, le chef du bataillon
donne l'ordre au commandant de la 7ème compagnie (à Berny)
de rechercher si le cours de la Noye n'a pas été atteint; aucune trace
de passage n'est relevée;
2) Sur l'ordre du colonel, le chef de bataillon envoie rechercher la
liaison avec les éléments du 2ème R.I.C. installés sur la
rive droite de la Noye. Contact pris à quelques centaines de mètres de
la voie ferrée;
3) La 5ème compagnie prend liaison avec le 3/78e
avec quelques difficultés.
Elle devait vérifier, en outre, si les mines posées à 900 mètres sur
la grande route étaient toujours en place; impossibilité.
A la faveur de la
nuit, devant le point d'appui Rolland, l'infanterie allemande s'est
approchée à une cinquantaine de mètres.
A 23 heures, le
colonel demande un officier de liaison à son P.C.; le lieutenant Hubert
s'y rend.
- 3ème
bataillon:
Cette journée a été pénible, mais tous les combats livrés sur
le front du bataillon ont tourné à notre avantage.
Elle peut être divisée en trois phases:
1ere phase - attaque ennemie pour la conquête de la
lisière nord du bois de Berny.
2ème phase - attaque ennemie en direction de Flers et
de la partie ouest du bois de Berny.
3ème phase - Seconde attaque de la lisière nord du
bois de Berny.
1ere
phase - Le point d'appui du lieutenant Peyroux (P.A. n° 2) venait
à peine d'être en place que vers deux heures du matin, les éléments
du 1er échelon du bataillon entendaient le bruit d'une
troupe à effectifs sérieux venant prendre position aux abords nord de
la route de Flers à Ailly-sur-Noye.
Puis vers 3 heures,
ils entendaient des bruits de moteurs aux lisières des bois de Domont
et de Lozières.
Ces deux bois deviennent aussitôt les objectifs du groupe d'artillerie
du commandant Soules. Les pertes ennemies sont sérieuses au point que
l'attaque qui débouche à 6h30 est rapidement arrêtée par les feux de
nos points d'appui malgré les tirs nourris de l'artillerie allemande
sur la lisière nord du bois de Berny.
Vers 8 heures,
appuyée de nouveau par son artillerie, l'attaque ennemie tente de
déboucher. De nouveau, elle est arrêtée par les feux des armes des
points d'appui et par ceux de l'artillerie qui détruisent 3 chars.
5 chars ennemis sont
détruits dans le terrain nu entre entre entre les bois de Domont et de
Lozières par le canon de 75, un D.C.B. dans le point d'appui du
capitaine Auzary et par les canons de 47 en batterie dans le point
d'appui du lieutenant Peyroux.
A partir de 9
heures, l'ennemi ne cherchera plus à attaquer sur le front du bataillon
mais ses armes installées en base de feux appuieront une attaque avec
chars partant du bois de Domont en direction de Flers d'une part et de
la lisière nord-ouest du bois de Berny d'autre part sur le 63ème
R.I.
Durant cette phase,
l'adjudant-chef Ragot est grièvement blessé au bras. Il combattra
jusqu'à épuisement de ses forces, faisant l'admiration de ses hommes.
Le moral de la 10ème
compagnie est magnifique.
Le groupe
d'artillerie du commandant Soules a fait du bon travail, faisant
l'admiration des cadres et des hommes du bataillon pour la promptitude
de son intervention et la précision de ses tirs.
Il est à peu près certain que l'ennemi ne comptait pas trouver devant
lui le point d'appui du lieutenant Peyroux et le barrage de mines
antichars installé au cours de la nuit.
2ème
phase - L'attaque allemande sur les parties centrales et est du bois
de Berny avait pour but, non seulement la conquête nord de ce bois,
mais aussi la conquête d'une base de départ pour les engins blindés
dans le thalweg ouest de la ferme du bois d'Areuse, en vue de l'attaque
de la lisière nord-ouest du bois de Berny et du débordement par l'est
du village de Flers.
Cette manœuvre a été éventée dés 4 heures du matin par
l'observatoire du bataillon et par les commandants des points d'appui.
De nombreux tirs déclenchés à la demande du chef de bataillon, par le
chef d'escadron Soules ont fait subir à l'ennemi des pertes sérieuses.
L'attaque s'est tout de même déclenchée à 9 heures et l'ennemi
enleva sans résistance la partie nord-ouest du bois de Berny, tenue par
le 63ème R.I..
Vers 11h30, la
situation semblait être la suivante:
Dans la partie ouest du bois de Berny, l'ennemi
avait pris pied dans le bois. Quatre de ses chars avaient atteint la
lisière sud. Son infanterie avait également atteint cette lisière et
cherchait à s'infiltrer dans le bois en direction de l'est, pour
prendre à revers les points d'appui du lieutenant Peyroux du capitaine
Auzary.
Par un feu violent déclenché d'une part par le groupe d'artillerie et
d'autre part par les points d'appui du lieutenant Peyroux, du bois
planté et du bois triangulaire, cette infiltration s'est arrêtée et
l'ennemi a du même se replier à la lisière nord du bois de Berny.
Sur Flers, aucun renseignement contrôlé, mais il semble que le village
est tombé aux mains de l'ennemi vers 11 heures.
3ème
phase - L'attaque allemande du matin, en direction des parties
centrales et est du bois de Berny devait se continuer dans
l'après-midi.
Son bombardement
d'artillerie commencé dès le lever du jour s'intensifiera à partir de
15 heures et s'étendra à toutes les parties du terrain intéressant la
défense du bois de Berny et ses débouchés sur Chaussoy-Epagny.
Les points d'appui
du capitaine Auzary et du lieutenant Peyroux reçoivent jusqu'à 19
heures plusieurs centaines d'obus de tous calibres et plus de 1 000
projectiles de minen.
Le bois planté est sérieusement bombardé à différentes reprises
dans l'après-midi.
Les pertes en hommes et en chevaux sont sévères.
Le centre de ravitaillement du bataillon, le poste de secours et le P.C.
du bataillon sont pris à partie.
Le dépôt de munitions saute à 16h30.
De 16 à 18 heures,
le point d'appui de la 11ème compagnie est bombardé par
avions et par artillerie.
Malgré ce tir, les batteries du commandant Soules continuent, sous les
projectiles ennemis, l'exécution des tirs qui lui sont demandés par
l'infanterie.
A 18h30, appuyée
par un fort engagement d'artillerie, l'infanterie allemande se porte à
l'attaque du point d'appui du capitaine Auzary et du lieutenant Peyroux;
toutes nos armes ouvrent le feu.
L'attaque est arrêtée net.
A 19 heures, elle
veut reprendre; encore une fois elle est arrêtée.
Durant ces deux
actions de l'ennemi, le tir d'arrêt de notre artillerie, déclenché
rapidement, a fait subir à l'ennemi des pertes sensibles.
A partir de 21
heures, les commandants des points d'appui ont l'impression que les
Allemands se replient au nord de la route de Flers à Ailly-sur-Noye. Confirmation
est donnée par l'observatoire de bataillon.
A partir de 22
heures, les points d'appui sont ravitaillés en vivres, en munitions et
en mines antichars.
Vers 0h30, un
officier est demandé au P.C. du colonel. Le lieutenant Vallat,
désigné, part à 0h45.
En fin de journée,
malgré la carence des moyens de transmission, la pénurie de munitions
d'artillerie, malgré la pression et les attaques réitérées d'un
ennemi supérieur en nombre et puissamment armé, le régiment a
conservé la totalité du terrain qui lui a été confié et maintenu sa
liaison avec la 4ème D.I.C. à sa droite.
La conduite des éléments au contact fut digne d'éloges en tous
points: voltigeurs, mitrailleurs, servants d'engins rivalisèrent de
courage et d'endurance, firent preuve d'un magnifique moral; certains
officiers n'ont pas hésité à servir et à pointer eux-mêmes les
pièces de 75 antichars à la place des canonniers mis hors de combat.
Le groupe d'artillerie Soules a puissamment contribué à notre action
défensive.
Quoique traversés
au cours de la journée du 7, comme au cours de la journée qui va
suivre, par des éléments parfois en déroute de la division qui était
devant nous, les cadres et les hommes ont conservé leur bon moral et un
esprit de discipline au-dessus de tout éloge.
Après cette dure
journée, tous les hommes du régiment fiers de leurs succès
défensifs, attendent sans crainte les combats du lendemain.
Au cours de la nuit,
fusillade discontinue, puis calme relatif.